II. 2. L’EDUCATION SELON KANT
En abordant le problème de l’éducation, Emmanuel Kant conçoit l’homme comme le seul être qui a besoin d’une éducation[1]. En effet, les animaux sont guidés par l’instinct et n’ont pas besoin de tous ces soins qui sont pourtant indispensables pour l’homme qui doit se réaliser. Il n’est donc pas surprenant de voir le nourrisson d’un animal prendre très vite son indépendance vis-à-vis de sa maman. Kant définit ainsi l’éducation comme l’ensemble des soins, la discipline, l’instruction et la formation[2]. Et c’est justement la discipline qui, selon lui, distingue l’animal de l’homme. Il dit en effet que « la discipline transforme l’animalité en humanité »[3].
On peut ici comprendre avec Kant que sans l’éducation l’homme n’est pas différent de l’animal. C’est en passant par la voie de l’éducation que l’homme parvient à assumer son humanité. Ainsi, « l’homme ne peut devenir homme que par l’éducation »[4] nous dit-il. L’éducation transforme donc l’homme en lui donnant la possibilité de se réaliser. A travers elle, l’homme acquiert des qualités purement humaines. Cette transformation qualitative ne peut que conduire l’éduqué à une humanité certaine du moment où l’éducation se fait d’homme à homme, d’une génération adulte à une génération plus jeune[5]. L’éducateur qui a déjà atteint une certaine maturité humaine, cherche à produire chez l’éduqué ce dont il a besoin pour une humanité effective. En nous inscrivant dans la pensée kantienne, l’homme est donc un animal qui a besoin d’un maître issu de l’espèce humaine pour parvenir à l’humanité.
Pour Kant, les soins, la discipline, l’ensemble des connaissances, tout le savoir et l’héritage culturel qu’on peut acquérir par le moyen de l’éducation, concourent à nous faire passer d’un état brut et sauvage à un état plus raffiné et civilisé, pour ne pas dire à une humanité certaine. Car, « celui qui n’est pas cultivé est brut, celui qui n’est pas discipliné est sauvage »[6]. Mais comment s’opère ce passage ?
Notre auteur distingue deux grands moments de l’éducation, à savoir : l’éducation négative et l’éducation positive.
L’éducation négative, qui est aussi entendue comme l’éducation du corps, correspond ici à la première éducation car, dit-il : « d’une manière générale on doit observer que la première éducation doit être seulement négative, c’est-à-dire qu’on ne doit rien ajouter aux précautions prises par la nature et qu’il faut seulement ne pas troubler la nature »[7]. Cette éducation dite négative consiste ici à veiller aux premiers soins, c’est-à-dire la santé corporelle, et le développement convenable des aptitudes motrices de l’enfant, à la discipline et donner à l’enfant les bases de la moralité. Kant donne une grande importance à la discipline par rapport à la culture, car il est plus facile de combler un défaut de culture qu’une erreur de discipline qui maintien l’homme dans la sauvagerie[8]. Il faut aussi souligner que la discipline qui soumet l’enfant aux contraintes des lois, étouffe ses caprices et ses penchants mauvais et le conduit à une liberté responsable.
Le deuxième moment de l’éducation est ce qu’il appelle l’éducation positive qui n’est rien d’autre que la culture. L’éducation positive prend donc en compte l’instruction qui correspond à l’éducation intellectuelle, et la conduite qui correspond à l’éducation morale. C’est donc le moment de l’éducation qui correspond à l’éducation scolaire qui a pour aboutissement l’éducation intellectuelle et l’éducation morale. A ce niveau, l’enfant commence à mener une réflexion et assumer sa liberté. En effet, Kant nous fait comprendre que : « la première époque chez l’élève est celle où il doit faire preuve de soumission et d’obéissance passive ; la seconde celle où on lui laisse, mais sous des lois, faire déjà un usage de la réflexion et de sa liberté. La contrainte est mécanique dans la première époque ; elle est morale dans la seconde »[9]. L’éducation positive révèle donc les aptitudes que possède l’enfant dans son déploiement individuelle : c’est une éducation à la liberté et à l’autonomie.
A la fin, Kant conçoit l’éducation comme un art. En ce sens, l’éducation est pensée, planifiée aussi bien pour le présent comme pour le futur. Le perfectionnement de cet art se veut être ici l’aboutissement d’un long processus qui trouve son fondement dans l’histoire. Le perfectionnement de l’art d’éduquer vient de l’expérience vue comme la voie que l’on doit suivre en pédagogie. L’expérience ici consiste à recueillir l’enseignement des générations passées. Voilà pourquoi Kant souligne que : « L’éducation est un art, dont la pratique doit être perfectionnée par beaucoup de générations »[10]. Ainsi, chaque génération, instruite par celles qui la précèdent, doit apporter sa contribution afin de faire de l’éducation un art qui s’éloigne des constitutions mécaniques pour être un art raisonné, ou mieux encore une science. C’est donc à juste titre que Kant affirme : « Il faut dans l’art de l’éducation transformer le mécanisme en science »[11].
En somme, nous pouvons comprendre que le but de l’éducation chez Kant est de conduire l’homme vers la perfection vue comme la destination de la nature humaine. Mais l’éducation elle-même est appelée à connaître une amélioration au fur et à mesure que les générations se succèdent. En effet, la fluctuation des habitudes humaines d’une génération à une autre, et d’une manière générale de l’ensemble de la société d’une époque à une autre, va entrainer les hommes eux-mêmes à rechercher ce qui est véritablement nécessaire pour une bonne éducation, sinon développer celle-ci afin qu’elle puisse réellement conduire l’homme à la perfection. A cet effet, il affirme : « Il est possible que l’éducation devienne toujours meilleure et que chaque génération, à son tour, fasse un pas de plus vers le perfectionnement de l’humanité ; car c’est au fond de l’éducation que gît le grand secret de la perfection de la nature humaine »[12].
[1] E. KANT, Réflexions sur l’éducation, Paris, J. Vrin, 1993, p. 69.
[2] Idem.
[3] Ibid., p. 70.
[4] Ibid., p. 73.
[5] J. LEIF et A. BIANCHERI, Philosophie de l’éducation, Tome III, Les doctrines pédagogiques par les textes, Vevey, Delagrave, 1966, p. 195.
[6] E. KANT, op. cit., p. 74.
[7] Ibid., p. 94.
[8] Ibid., p. 74.
[9] Ibid., p. 85.
[10] Ibid., p. 77.
[11] Ibid., p. 79.
[12] Ibid., p. 74.
merci pour votre blog
RépondreSupprimerMerci .ces informations me serviront
RépondreSupprimerMerci.je m'inspirerai de ses informations pour la réalisation de mon œuvre:"le divorce d'une pédagogie de tatouage pour une pédagogie façonnante"
RépondreSupprimerMerci bien ! L'éducation selon Kant est toujours d'actualité .
RépondreSupprimerbien meri
RépondreSupprimerLe philosophe kant est l'un de l'âme immortelle.
RépondreSupprimerLe philosophe kant est l'un de l'âme immortelle.
RépondreSupprimerJe dis simplement merci à KANT
RépondreSupprimerGrandement merci.
RépondreSupprimerMerci bien !!
RépondreSupprimerLe corps physique meurt, mais les pensées toujours vivantes, en est il chez Kant l'immortel.
RépondreSupprimerMerci beaucoup. Ces informations me seront vraiment utiles
RépondreSupprimerUne bonne synthèse de l'idée sur l'éducation. Merci
RépondreSupprimerC'est excellent comme synthèse
RépondreSupprimerC'est excellent ça,donc je dis merci à ce grand homme modèle qui nous a laissé ce genre de texte.
RépondreSupprimerCette réflexion de Kant est tellement réelle qu'elle est encore d'actualité.
RépondreSupprimerLes réflexions de Kant son profonde et reel
RépondreSupprimerUn grand merci
RépondreSupprimerUn grand merci à KANT
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