vendredi 16 décembre 2011

BISSIEMOU  Jean  Christian
Faculté de Philosophie
Master 1 (éducation)

                                                          FICHE DE LECTURE
Œuvre : Jean-Jacques  Rousseau, Emile ou de l’éducation, Paris, Garnier-Flammarion, 1966.

            L’Emile ou de l’éducation de Jean-Jacques Rousseau est un traité d’éducation qui aborde sous l’angle pédagogique le problème de la contradiction majeure du débat philosophique des Lumières : comment concilier nature et culture ?
            Rousseau part de la conviction selon laquelle, personne ne naît pas méchant ou mauvais, mais c’est la société qui le corrompt. L’homme à l’état de nature est bon. Cet homme, c’est l’homme naturel perçu dans sa condition primitive. Il demeure proche de l’animalité. Toutefois, il se distingue de l’animal par sa liberté. Il se distingue aussi de l’animal par sa perfectibilité, c’est-à-dire sa capacité de se perfectionner, fruit de l’exercice de la raison qu’il possède. Cet homme à l’état de nature est un homme heureux, capable de pourvoir à ses besoins.
            Cependant, cet état de bonheur de l’homme naturel vient à disparaître avec la mauvaise socialisation. En effet, la sociabilité déclenche un processus de dégénérescence. L’homme bon devient corrompu. La vie en société conduit l’homme à se surpasser avec le développement d’une intelligence instrumentale. Le travail devient une nécessité pour sa survie. Le développement des techniques de travail va entrainer un certain essor économique, qui sera bien entendu entaché des inégalités sociales. L’homme devient ainsi un loup pour son prochain, cherchant le profit en passant par l’exploitation de son semblable. Ce qui était sensé appartenir à tous, devient une propriété privé. L’état de nature se retrouve, dans ces conditions, dégradé, sinon corrompu.
            C’est donc la corruption de l’homme à travers la socialisation qui amène Rousseau à penser la réhabilitation de l’homme naturel. En effet, il soutien la thèse selon laquelle, il est possible de concilier nature et culture et d’assurer un épanouissement certain à l’homme. Mais comment ? Pour lui, cette tâche revient à l’éducation. Dans son projet éducatif, la première place est donnée à la nature. En  ce sens, l’éducation ne doit pas aller contre les tendances naturelles : elle ne doit pas s’opposer à la nature de l’homme. Il propose donc dans l’Emile un idéal d’éducation qui forme un être à la fois sociable et non dénaturé. L’éducation d’Emile est donc envisagée en suivant son âge, c’est-à-dire en suivant son développement physique, psychique et intellectuel. Autrement dit, Emile est éduqué en adaptant le contenu de son éducation aux différentes étapes de sa croissance, en tenant compte des questions éducatives qui émergent au fur et mesure qu’il grandit. Sophie  est aussi une jeune fille fictive comme Emile et qui est éduquée pour être son épouse. Rousseau utilise cet exemple pour parler de l’éducation des filles.
            Nous pouvons comprendre avec Rousseau que l’enfant qui commence son éducation est confié à ses parents. Leurs actions éducatives doivent concourir au développement de la nature du jeune éduqué : celle-ci ne doit pas être contrariée. L’éducation ne consiste pas ici à précipiter à mettre l’enfant en relation avec les livres. L’esprit du petit enfant n’est pas encore disposé à comprendre les choses des livres. Il faut plutôt le mettre en relation avec la nature,  avec le monde, afin de développer ses sens et le conduire à partir de là, à faire des déductions. Il s’agit ici d’aider l’enfant à développer sa capacité de comprendre le monde physique. L’éducation prônée par Rousseau a consisté à former un citoyen juste. Après son mariage avec Sophie, Emile a assimilé les fondements et les raisons de la société civile, pourtant corrompu alors. Il doit donc éviter cette corruption en habitant à la campagne, c’est-à-dire là où les usages et les mœurs sont plus stables : Emile doit exercer sa nature.
            Il est donc clair que pour Rousseau, la nature est bonne. C’est l’action de l’homme sur elle qui vient causer la dégradation, car dit-il : « Tout est bien sortant des mains de l’Auteur des choses, tout dégénère entre les mains de l’homme »[1]. Nous pouvons ici comprendre que pour lui, la culture est une dégradation de la nature. Le projet éducatif de Rousseau est donc celui de concilier nature et culture, et qu’il en sorte de là un homme épanouit et bon citoyen. L’enfant doit donc être assujetti à la nécessité naturelle et non être soumis à la volonté arbitraire des hommes. C’est ici une éducation qui a pour objet de réinventer l’homme naturel.



[1] J. J. ROUSSEAU, Emile ou de l’éducation, Paris, Garnier-Flammarion, 1966, p. 35.

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